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La ségrégation

Désormais débarrassés de leurs chaines, les esclaves peuvent enfin vivre librement sur le territoire américain. Et pourtant, ils devront encore faire face à de nombreux ennemis. Ils sont libres de marcher dans la rue, mais uniquement sur leur trottoir, comme l’obligeaient les lois « Jim Crow ». Ils sont égaux face à la justice, mais pas face aux « justiciers blancs du sud ». Ils sont les bienvenus dans la maison de Dieu, mais la leur ! Ils sont libres d’avoir un travail, mais celui qu’on leur donnera. En clair, les Afro-américains ont encore du chemin à faire pour trouver la pleine liberté…

Au lendemain de la guerre…

Il semblait acquis, après la Guerre de Sécession, que tout citoyen américain était maintenant libre. Si cela fut vrai durant la décennie qui suivit le conflit, ce le fut peut-être moins après le Compris de 1877 qui mit fin à l’occupation des états du sud par les soldats du nord. C’est à partir de cette époque que les états du sud adoptèrent une série de lois dites « lois Jim Crow » . Quelques exemples : La séparation des races dans les lieux publics (restaurants, transports en commun, écoles, hôpitaux, prisons,…), l’impossibilité d’accéder à certaines fonctions (dans le domaine médical, dans l’administration,…), l’interdiction de militer pour l’égalité des races, l’interdiction des mariages interraciaux, …

Strange Fruit

Légalement discriminés par la loi, les Afro-américains doivent maintenant faire face à la justice, ou aux justices. Si le système judiciaire officiel les exclut (Les noirs peuvent légalement faire partie des jurys, mais sont, en pratique, systématiquement écartés), cela n’est rien en comparaison aux formes de « justice populaire » qui s’instituent particulièrement dans le sud, allant des simples discriminations du quotidien aux véritables lynchages publics. Car c’est au lendemain de la guerre que le pays vit naître en son sein des organisations comme le Ku Klux Klan. Evidemment, les lois raciales confortaient ces bourreaux dans la vision « salvatrice » qu’ils entretenaient de leurs actes.

Marché noir

Le secteur du travail et de l’économie ne se montra pas plus clément que les autres. Si hier il s’installait sur des bases d’esclavage, il tente encore d’exploiter les Afro-américains. Ainsi est-il impossible pour eux d’occuper de hautes fonctions. Face à ce phénomène, on vit s’instaurer un véritable marché « noir » du travail. Il existait des compagnies d’assurances pour noirs, des salles de sport pour noirs… Mais il restait encore difficile pour un Afro-américain de pouvoir monter un tel genre d’entreprise.

Une Eglise noire

Même les lieux de cultes faisaient l’objet d’une ségrégation. Les communautés noires bâtirent leurs propres temples. Mais il s’avère que ces lieux avaient des fonctions qui dépassaient parfois de bien loin les limites du simple culte. En effet, étant parmi les seuls lieux réellement propres à la communauté, on avait coutume de s’en servir comme coopérative économique, tribunal populaire, ou pour d’autres rassemblements. Cela permettait une gestion plus autonome de la vie de la communauté.

Les précurseurs de la musique Jazz

Le blues

Les origines

On ne connaît pas encore aujourd’hui avec certitudes les origines de cette musique. On a longtemps supposé qu’il s’agissait d’une évolution des spirituals. Or, si le spiritual est le plus souvent une musique joyeuse, sacrée et aux paroles pleines de bonnes valeurs, le blues, quant à lui, est plutôt mélancolique, vulgaire et incite clairement à la subversion.

Il semble qu’il faille aller chercher une parenté du côté des chants de travail. En effet, ces deux styles partagent des caractéristiques essentielles : La forme de « L’appel et la réponse », une pulsation marquée (du moins, plus que dans les spirituals) et une tendance à varier ou à improviser les paroles.

La forme

Le blues est une forme musicale à la fois très simple de par son principe, mais extraordinairement riche, tant elle offre des possibilités de variations et d’improvisation. Musique improvisée par excellence, on n’a pas de traces écrites concernant sa forme originale. Celle-ci semble avoir évoluée avec le temps. On possède néanmoins des enregistrements de blues anciens (parfois qualifiés de « blues ruraux ») interprétés dans les années 1920-30 par des vétérans du blues original.

La forme la plus commune de blues admet un ensemble de 12 mesures où l’on chante 3 phrases de 4 mesures. La première constitue l’appel, la seconde la réponse (bien souvent, la reprise, par l’assistance, de la première phrase) et enfin une troisième phrase, conclusive. Cette forme « mesurée » serait, en quelque sorte, comparable à la strophe d’un poème, elle-même constituée de 3 vers égaux (dans notre cas, 4 mesures). L’assemblage de ces strophes constituerait alors le « poème » entier (soit, le blues en lui-même).

Côté mélodique, on soulignera l’utilisation majoritaire de la gamme pentatonique (héritage africain) qui était déjà très prisée dans les work songs. Celle-ci différera cependant des gammes pentatoniques « classiques », par l’utilisation de « blue notes » (notes bleues), léger abaissement de certaines notes, fausses aux oreilles des mélomanes occidentaux, mais véritable essence du blues.

Bien évidemment, le blues, tel qu’on le connaît aujourd’hui a encore évolué depuis cette époque. Il sera de grande importance dans la naissance du jazz, et connaitra, après l’avènement de ce dernier, une évolution distincte, sans pour autant que les liens si forts qui unissent ces 2 styles ne soient à quelque moment que ce soit rompus.

Le Ragtime

Les débuts

Troisième père du jazz (avec le blues et le spiritual), le ragtime trouve sa source dans le cakewalk, espèce de danse afro-américaine pastichant les danses de salon occidentales. Il est usage courant de l’incarner en Scott Joplin, véritable « compositeur de ragtime ». En effet, si les ancêtre du « rag » tel le cakewalk étaient bien souvent improvisés, semi-improvisés ou tout au moins « informels », Joplin (et d’autres tel Ferdinand « Jelly Roll » Morton) se réclamait d’écrire une musique sérieuse et fixée. Car c’est à cette époque (vers 1900) qu’on vit apparaître des musiciens noirs « instruits » qui savaient user des instruments occidentaux traditionnels et avaient fait l’étude du solfège, de la composition classique ainsi que des œuvres des grands maitres de la musique classique.

Caractéristiques

L’exemple type de ragtime, et le plus cité est probablement « The Entertainer » de Scott Joplin que l’on peut entendre dans le film « L’arnaque » (1973). Il faut tout d’abord préciser que le genre du ragtime est à jamais associé au piano (quoiqu’il existe des pièces ragtime pour guitare et que le ragtime constituera un genre pour les fanfares de la New Orleans). Ensuite, un de ses apports majeurs (mais pas forcément réellement original) à la danse est le côté syncopé. Cela signifie que les accents de la musique sont déplacés, par rapport au système de temps forts et temps faibles traditionnellement imposé par la musique classique. Ceci constituera une des caractéristiques majeures du jazz. Contrairement au blues, le ragtime tombera en désuétude, ou du moins, sera « absorbé » par le jazz, et évoluera en un style plus libre, le « Stride piano », dans les clubs de Harlem.