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La route vers le Nouveau Monde

L’introduction des Africains en Amérique

On retrouve les premières traces de main-d’œuvre africaine importée en Amérique au XVIIe siècle. Aujourd’hui encore, le statut de ces immigrés fait débat. En effet, étant donné le fait que les Anglais furent les premiers à employer des noirs pour servir dans leurs colonies d’Amérique, mais qu’ils n’avaient auparavant jamais eu recours à ce type de pratiques, certains historiens considèrent que les premiers Africains débarqués en Amérique auraient pu jouir d’un statut proche de celui de « indentured servants » (littéralement, « servants sous contrats ») et que la vision inférieure qu’en développèrent leurs maitres par la suite eut pour source leur impossibilité à occuper des hautes places dans la société par après. D’autres, antagonistes à cette thèse, considèrent que les Africains auraient dès le départ été considérés comme inférieurs, au regard de leurs couleur de peau, pouvant être exploités sans réserves.

Toujours est-il qu’au XVIIIe siècle, l’esclavage est quelque chose de bien établi. Dès lors, il occupe une place importante dans le système économique des colonies américaines. Il est même institutionnalisé et régi par de nombreux « codes noirs ». Les esclaves se font vendre sur les marchés, à côté d’autres marchandises, voire même sur des marchés réservés à la vente et à l’achat d’esclaves. Du point de vue des importateurs, il s’agit de maintenir la « marchandise » dans le meilleur état lors de la traversée. Ainsi, la mort d’un nègre signifie avant tout, pour un marchand d’esclaves, une perte économique. Il faut dire également que c’est la demande européenne croissante en tabac puis en coton, conséquence de la révolution industrielle, qui a contribué à l’accroissement de la demande en main d’œuvre en Amérique. Notons aussi que dès cette période, naquit une véritable différence au niveau du traitement des esclavages, dans la mesure où l’on se trouvait au nord ou au sud du pays. Si les asservis du nord se voyaient confier des travaux pour le plupart domestiques, leurs homologues du sud se devaient d’accomplir de lourdes tâches, principalement agricoles.

D’emblée, il me semble important de relever un fait qui pourrait sembler anodin mais qui a toute son importance dans le sujet qui nous occupe. Il faut savoir que rares furent les ethnies, les tribus et les familles qui ne virent pas leurs membres séparés. Les groupes d’esclaves alors « reconstitués » étaient confrontés à un véritable problème lorsqu’il s’agissait de communiquer. Cette méthode avait notamment pour but de prévenir au maximum les risques d’émeutes et de révoltes collectives. Comme on peut l’imaginer, cette promiscuité aura toute son importance quand sonnera l’heure pour ces hommes déracinés de se reconstruire un patrimoine culturel.

Le second passage du milieu

En 1776, l’indépendance des Etats-Unis d’Amérique est déclarée. Mais à cette époque, le pays revêt un découpage géographique bien différent de celui que nous lui connaissons aujourd’hui. En effet, il reste, pour ce jeune état, toute une expansion à effectuer vers l’ouest. Si de grands hommes d’alors, tels Benjamin Franklin, prônaient déjà l’abolitionnisme, il faudra attendre près d’un siècle pour voir l’illégalité de l’esclavage inscrite dans la constitution.

Ainsi donc, les nouveaux territoires annexés au fil du XIXe siècle, demandèrent à nouveau de la main-d’œuvre en quantité afin de défricher ces terres encore sauvages et d’y bâtir des villes et des routes. Le commerce et la traite des esclaves faisaient l’objet d’un regain d’activité. On semblait assister, à moindre échelle, à une répétition des évènements qui s’étaient déroulés précédemment sur l’Atlantique. Ira Berlin, historien, donnera à cet épisode le nom de « Second middle passage » (littéralement « second passage du milieu ».). Il n’est pas surprenant d’apprendre que les conditions de vie des esclaves déplacés vers l’ouest étaient, du fait de leur nomadisme, encore plus précaires que celles de leurs prédécesseurs. De manière générale, on peut dire que les acquis des anciens esclaves de l’est en matière de confort se perdirent en chemin.

Les conditions de vie des esclaves

Le travail

Les esclaves afro-américains pouvaient se voir confier 3 types de tâches : des travaux domestiques, des travaux d’artisanat ou des travaux agricoles.

On s’imagine d’emblée que les esclaves assignés aux travaux domestiques pouvaient parfois jouir d’une meilleure qualité de vie. Mais ce serait sans compter leur plus grande exposition à l’arbitraire de leurs maitres en ce qui concerne les punitions.

Les travaux d’artisanat concernent, eux, les métiers pratiqués par certains esclaves privilégiés (il s’agissait le plus souvent de métisses) tels la menuiserie, la forge, la serrurerie, la charronnerie ou encore la vannerie. Ces affectations donnaient souvent lieux à une transmission héréditaire.

Les travailleurs des champs cultivaient principalement, comme nous l’avons déjà dit précédemment, le coton et le tabac, mais aussi, dans certaines régions, le riz, le blé ou encore d’autres céréales. Le travail pouvait s’organiser selon 2 systèmes : Le « task system » (« système par tâches ») où un travail précis incombait chaque jour à chaque esclave. Une fois sa charge accomplie, ce dernier était libre de vaquer à d’autres occupations. Le « gang system » (« système de groupes »), lui, était beaucoup plus dur. Les esclaves étaient répartis en groupes, commandés par un « driver » (« conducteur »), eux-mêmes supervisés par un « oversee » (« régisseur »). Si ce dernier, représentant du propriétaire, était presque toujours un blanc, il était fréquent que les drivers soient des noirs.

Vie sociale

Bien longtemps les historiens ont considéré la vie sociale des esclaves comme inexistante. En réalité, il y avait bel et bien une notion de famille , qui était même consacrée par des cérémonies religieuses et consignée dans des registres. Ainsi, y avait-il une parcelle des exploitations réservée aux logements d’esclaves où chaque famille avait une petite maison. Chaque maître avait sa propre politique en ce qui concernait l’entretien des esclaves. Certains maitres octroyaient un salaire, d’autres fournissaient directement les biens nécessaires (vêtements, nourriture, outils,…). On sait que le niveau d’hygiène des esclaves variait entre le rudimentaire et l’inexistant.

L’esclave face à la loi

Dans la plupart des Etats, les rares textes relatifs à la condition des esclaves mentionnaient surtout le plein pouvoir accordé aux propriétaires et aux exploitants. Chaque détenteur d’esclaves avait donc le loisir d’imposer ses propres lois et ses propres châtiments. Beaucoup d’historiens s’accordent d’ailleurs à dire que le droit total accordé au maître est l’un des facteurs ayant le plus contribué à la « réussite » de l’esclavage.

Il était monnaie courante de voir des esclaves se faire fouetter, dans la mesure où ceux-ci désobéissaient ou n’étaient pas assez efficaces au travail. D’autres châtiments, plus graves, pouvaient leur être infligés, tels le marquage au fer, les mutilations ou encore la castration et même la mort. Il était d’ailleurs usuel pour un maître de réunir ses esclaves afin de les faire assister à la torture ou à l’exécution de l’un de leurs camarades. Cela offrait au propriétaire un moyen efficace de leur rappeler le sort qui pouvait leur être réservé en cas d’incident.

Les esclaves et la religion

Il est un fait sûr et certain que la plupart des esclaves furent convertis à la religion chrétienne. Leurs maitres qui, la plupart du temps, les encourageaient à adopter leur religion y voyaient un moyen d’accroitre le contrôle qu’ils exerçaient sur eux. Les noirs recevaient l’enseignement des textes sacrés de la bouche d’un ecclésiastique ou même directement de celle de leur maître.

Il faut néanmoins noter l’apparition de pratiques religieuses « hors du contrôle des maitres ». Là, les noirs s’adonnaient à d’autres types de cérémonies et les textes y étaient réinterprétés, non plus comme prônant la soumission, mais comme exaltant l’espoir. Citons pour exemple le texte de l’Exode relatif à la libération par Moïse du peuple juif opprimé par Pharaon. Les cérémonies religieuses, dans leurs formes, elles, reflétaient alors encore un indiscutable héritage de l’Afrique d’autrefois. Danses et chants se mêlaient à incantations et magie.

Rêve de liberté…

The Underground Railroad

L’abolition plus rapide de l’esclavage dans les Etats du nord et au Canada a très vite tenté les esclaves. Les tentatives de fuites vers le septentrion étaient donc choses courantes. Ainsi s’organisa un vaste réseau secret aidant les nègres à fuir vers le nord. On l’appelait « The Underground Railroad » (littéralement « Le chemin de fer clandestin »). Il impliquait de nombreux anciens esclaves, affranchis ou ayant fuit, mais aussi des blancs partisans de l’abolition, tels des ecclésiastiques.

Il ne s’agissait pas à proprement parler d’une ligne de chemin de fer. L’organisation utilisait de nombreuses métaphores relatives au monde ferroviaire afin de communiquer sans risques d’être comprise par les autorités. Il était donc de mise de parler de « chefs de trains » pour désigner les guides, de « stations » pour faire référence aux relais où les fugitifs pouvaient effectuer une étape de repos, de « chefs de gares » pour parler des personnes qui acceptaient de cacher les esclaves recherchés chez eux, ou encore d’ « actionnaires » pour ce qui était des bienfaiteurs financiers de l’organisation.

Les révoltes d’esclaves.

Qu’il s’agisse de révoltes spontanées ou planifiées, peu nombreuses furent celles qui connurent un réel succès. Si les annales de cette époque relatent quelques épisodes plus ou moins victorieux ou certains phénomènes qui connurent une ampleur modestement remarquable, on ne peut pas dire que l’Amérique a connu à quelque moment que ce soit un révolte générale ou une période de crise.

En règle générale, une révolte pouvait se solder par le meurtre du régisseur, du maître, de la famille de ce dernier, de la destruction de la plantation, ou bien même le tout à la fois. Mais ce genre d’événement était toujours réprimé dans le sang par des autorités, qui se voyaient contraintes d’accroitre la dureté de la politique de surveillance vis-à-vis des Afro-américains.