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Introduction

Les origines de l’esclavage (selon Montesquieu)

L’une des meilleures définitions de l’esclavage qui ait été portée à ma connaissance est sans contestations possibles celle que nous livre Montesquieu dans le quinzième livre de son ouvrage « De l’esprit des loix ». La voici :

L’esclavage proprement dit est l’établissement d’un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu’il est le maître absolu de sa vie & de ses biens.

A en croire l’auteur, cette pratique n’est, bien entendu, pas profitable à l’esclave qui se voit déchu de tous droits et de toute dignité humaine, mais elle peut se révéler également néfaste pour le maitre qui, quant à lui, perd tout sens des considérations morales et devient un être insensible, cruel et haineux.

Il faut chercher les premières origines de l’esclavage dans la Rome antique. Il y avait une nécessité de s’assurer que l’ennemi vaincu ne représentait plus une menace. Ainsi, on se disait lui accorder l’esclavage plutôt que la mort. En vérité, tuer de sang-froid, même en temps de guerre était odieux. Il est donc faux d’affirmer que l’asservissement était un privilège, comparé à la mort, puisque cette dernière était injustifiable.

Le droit civique romain permettait à un débiteur de se vendre à son créancier dans le cas où il ne pouvait plus s’acquitter de ses dettes. En vérité, il est illogique de dire qu’un homme puisse se vendre, puisque dès l’instant où il entre au service de son maître, ce dernier devient propriétaire de tous ses biens et de toutes ses richesses et n’a donc rien payé. De plus, dans toute société qui se réclame libérale, il paraît fondamental de conserver la liberté de tous.

La troisième origine est celle de l’hérédité. Si elle semble tout à fait logique, elle est en fait encore plus infondée que les deux premières. Si on ne peut pas justifier ces deux premières raisons pour un homme, on le peut encore moins pour son fils. L’homme qui s’est vendu ne peut pas avoir par la même occasion vendu son fils, si celui-ci n’était pas encore né.

Le mépris et la méconnaissance des cultures étrangères constituent la quatrième origine : « Les connoissances rendent les hommes doux ; la raison porte à l’humanité : il n’y a que les préjugés qui y fassent renoncer ». On se permet de considérer l’autre comme inférieur car il a des coutumes différentes des nôtres et qu’on estime sa société plus évoluée que la sienne.

Un peu plus anecdotique mais fondé est le rôle des climats exotiques. En effet, il y a des pays où la chaleur est si pesante que les hommes occidentaux, ne pouvant plus y trouver le courage de travailler ont préféré exploiter les populations indigènes.

Aussi, faut-il également mentionner le rôle de la religion. Oeuvrant pour la propagation la plus rapide possible de cette dernière, nombreux ont été les ecclésiastiques et missionnaires qui ne se sont pas privés de réduire à la servitude les populations autochtones, tirant malicieusement parti du désir qu’avaient ces peuples de recevoir la parole divine.

De plus, si Montesquieu semble avoir des idées très avancées, pour son époque, sur la question de l’esclavage, il change tout de même de ton lorsqu’il s’agit de traiter de l’esclavage des noirs : « Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; & ils ont le nez si écrasé, qu’il est presque, impossible de les plaindre. (…) Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commenceroit à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens. » Dès lors, on peut cerner la mentalité de cette époque qui se voulait pourtant être celle « des Lumières ». L’asservissement des noirs ne posait aucun problème d’ordre moral puisque ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme des hommes.

Néanmoins, relevons l’honnêteté avec laquelle Montesquieu parle des enjeux économiques de la traite des esclaves noirs : « Le sucre seroit trop cher, si l’on ne faisoit travailler la plante qui le produit par des esclaves. » Il ne faut pas oublier que le Nouveau Monde d’alors était source de richesses qu’il fallait tenter d’exploiter tout en en tirant les meilleurs rendements.

Enfin, à ceux qui s’insurgent de la condition des esclaves noirs, Montesquieu leur répond : « De petits esprits exagerent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle étoit telle qu’ils le disent, ne seroit-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde & de la pitié ? ». Ce prétexte de pitié est bien sûr aussi infondé que son homologue de la Rome antique dont il a été question en début de ce chapitre.

La tradition musicale africaine

Il aurait pu sembler nécessaire de consacrer, pour poser le contexte de base de ce sujet, un chapitre à la société africaine traditionnelle puis un second à sa musique et à ses caractéristiques spécifiques. En réalité, l’une est tellement liée à l’autre que la distinction aurait été malheureuse et on aurait omis ce lien si fort qui les unit.

L’importance des rapports sociaux, et le rôle qu’y exerce la musique

L’Afrique est un grand continent où se côtoient nombre de cultures différentes. Mais si il est une caractéristique commune à toutes, c’est bien celle des rapports sociaux. En effet, bien plus que dans les sociétés occidentales, l’africain confond vie privée et vie sociale. (Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’en swahili, le terme « ma maison » se traduit par « notre maison ».) Ainsi, des évènements tels les naissances, les mariages, les décès et même certains rites spécifiques tels que celui de la puberté chez les garçons font l’objet de célébrations auxquelles toute la communauté prend part. Ces rituels qui encadrent presque tous les évènements de la vie (même des évènements mineurs tels que la perte d’une dent par un jeune enfant) sont un moyen de marquer son appartenance au groupe, et sont bien souvent l’occasion pour le groupe de s’adonner à la musique et à la danse. La place qui est réservée à la musique dans la société africaine traditionnelle est ainsi comparable à celle qu’occupent le discours et la parole dans la nôtre.

Aussi, est-il de bon ton de signaler qu’en Afrique (comme dans de nombreuses autres sociétés traditionnelles) la musique s’inscrit dans le cadre des activités de la vie quotidienne (chasse, pêche, travaux ménagers, conduite du bétail en pâture ou un transhumance, travail artisanal, récoltes, …), allant jusqu’à rythmer l’exécution de certaines tâches, notamment les travaux agricoles (moissons, labours,…).

Le matériel musical africain

Alors en quoi consiste cette musique ? La première caractéristique à dégager est qu’elle fait essentiellement appel au corps : à la voix, aux battements de pieds et de mains. Si tous ne peuvent pas jouer d’un instrument, tous chantent en chœurs ou en solo. Bien sûr, il y a tout de même des instruments tels que de nombreuses percussions (tambours, cloches, crécelles,…), essentiellement destinés à créer du rythme. Mais paradoxalement, bien moins répandus sont les instruments mélodiques, qui se limitent à quelques instruments à vent (flutes, cornes), à cordes (koras, nyatitis) et idiophones (balafons, udus,…).

Tout cela nous permet de dégager la caractéristique suivante : la musique africaine a une essence essentiellement rythmique. En fait, cette musique est basée sur un empilement de motifs rythmiques qui, pris les uns indépendamment des autres semblent simples, mais qui une fois joués simultanément révèlent une coordination tant compliquée que riche de par son résultat. Ainsi, est-il courant de constater des cellules rythmiques à 2 ou 4 temps superposées à des cellules rythmiques à 3 ou 6 temps. Les impressions de tension et de contraste qui en découlent peuvent provoquer chez l’auditeur une sensation toute particulière : « Une concentration intense de l’auditeur provoque parfois un sentiment de déplacement, comparable à l’effet qu’on peut expérimenter lorsqu’on est assis dans un train et qu’un autre train voisin commence à quitter la gare. Pendant un moment, on est comme suspendu dans l’incertitude, ne sachant qui bouge de soi-même, des trains ou de la gare » .

Il ne faut tout de même pas oublier que si la musique africaine est essentiellement rythmique, la mélodie est tout de même, même si c’est dans une moindre mesure, une partie intégrante de celle-ci. Les gammes africaines sont un sujet qui divise depuis bien longtemps les ethnomusicologues. Sans rentrer dans les détails, il est tout de même bon de savoir que si la tradition musicale occidentale retient surtout les gammes heptatoniques (gammes composées de 7 sons, ayant pour modes principaux le mode majeur et mineur), le continent africain fait plus majoritairement usage des gammes pentatoniques (comprenant 5 sons). Cependant, il ne faudrait pas croire que les gammes pentatoniques sont propres à la musique africaine. On les rencontre dans beaucoup d’autres musiques folkloriques (la musique écossaise, irlandaise, chinoise et japonaise ou encore sud-américaine), ce qui tend à leur donner un caractère fondamental et universel. A l’inverse, il ne faudrait pas s’imaginer que la gamme heptatonique est totalement inconnue, en Afrique.

Les formes musicales

La musique africaine, comme nous le disions plus tôt a un véritable rôle social. Ainsi, ne faut-il pas s’étonner d’y retrouver la formule de « l’appel et la réponse ». Cela sous-entend qu’un instrumentiste ou un vocaliste répond à un autre. Bien souvent, il y a un meneur auquel un chœur répond. Cela permet à l’assistance de participer.

Le timbre africain

Il faut bien se rendre compte également que la musique africaine se veut expressive avant tout. A ces fins, elle n’essaye pas de se munir des plus beaux timbres, mais des plus réalistes. Il est donc courant d’entendre des timbres de voix épais, des cris et des gémissements. Les instrumentistes aussi cherchent parfois à « salir » le son de leurs instruments en ayant recours à diverses techniques (modification de la forme de l’instrument, ajout d’éléments tels que des perles, des coquillages, des morceaux de métal,…). Parfois même, on peut entendre des notes faussées, qui, si elles sont souvent mal comprises des oreilles occidentales, se veulent en réalité ajouter en expressivité.

Les finalités de la musique

Enfin, dernière caractéristique, mais non des moindres, la répétition est quelque chose d’omniprésent. Ainsi il est possible de voir une séquence se répéter jusqu’à plusieurs heures, et ce, jusqu’à ce que le meneur décide d’en changer. Ceci, associé à la danse, peut avoir pour but d’atteindre un état de transe, particulièrement important lors des cérémonies religieuses.

Conclusion

En conclusion, nous pouvons dire que la musique africaine est essentiellement rythmique, et a une large place dans les cérémonies et rites, s’inscrivant en véritable facteur de cohésion sociale. Par ailleurs, bon nombre de ces caractéristiques seront, comme nous allons le voir par la suite, vouées à traverser l’Atlantique.